Qu’elle soit présentielle, à distance ou mixte, la formation est sommée d’innover pour gagner en intérêt et en efficacité. Maître, professeur ou formateur d’adulte, plus question pour ces professionnels de délivrer leur enseignement par le biais d’une transmission linéaire de savoirs descendants. Qu’elle se manifeste sur l’estrade ou par écran interposé, une mise en scène du savoir - idéalement co-construit- est désormais nécessaire. Base de cette mise en scène : le scénario, objet d’une journée du Fffod [1] consacrée à la scénarisation pédagogique multimédia [2].
Le scénario pédagogique : une réalité multiforme
Si l’écriture scénaristique apparaît de manière unanime comme l’une des multiples compétences nécessaires à la mise en œuvre des TICE [3], le concept même de scénario renvoie à des réalités historiques variées et suscite encore aujourd’hui des perceptions subjectives, relève Jean-Philippe Pernin, maître de conférences en informatique à Grenoble III. De la commedia dell’arte du XVIème siècle au théâtre codifié du XIXème, le scénario impose ou non une trame narrative, accorde de façon variable la liberté d’interprétation aux acteurs et réclame une participation plus ou moins active du public. « Objet nouveau » selon l’universitaire, la « scénarisation des apprentissages » renvoie elle aussi difficilement à une définition commune : relevant pour les uns du cinéma, pour d’autres du dessin animé, du théâtre ou encore du jeu vidéo, la « métaphore » univoque de la « scénarisation pédagogique » n’existe pas.
Reste cependant une « triple contrainte », qui fournit selon Jean-Philippe Pernin une grille d’analyse des dispositifs de formation appuyés sur un scénario : « tenir compte de l’objectif d’apprentissage (capacité à favoriser l’acquisition de savoirs, savoir-faire, savoir-être, etc.) ; assurer l’engagement et la motivation (capacité à favoriser l’engagement individuel de l’apprenant et les échanges entre apprenants, éviter la lassitude) ; rester rationnel (optimiser les coûts de conception, de rationalisation ; améliorer la pratique des concepteurs et la mutualisation des savoir-faire de conception ; optimiser les coûts d’exploitation, de réplication à large échelle) ».
« Scénariser, c’est parvenir à substituer un discours graphique à un discours verbal », avance quant à lui Patrice Thiriet, qui enseigne l’anatomie par la 3D à l’université de Lyon 1 [4]. Jugeant que son sujet est parfois très dur à mettre en mots, le maître de conférences explique recourir à la 3D pour « mettre en scène un corps vivant », via une « scénarisation qui repose sur une didactique de l’anatomie ».
« La bande dessinée a le mérite d’associer le texte à l’image » (François Debois)
Pour François Debois, consultant Cegos chargé de l’innovation et scénariste BD primé à Angoulême, le monde de la formation a beaucoup à apprendre de l’écriture scénaristique propre à la bande dessinée. « La BD est un vrai outil d’apprentissage », notamment parce que l’interaction entre mots et images stimulerait nos capacités de mémorisation, déjà renforcées par « l’empreinte émotionnelle » qu’apporte le plaisir de lecture d’une BD. Mais avant d’en arriver là, encore faut-il respecter six grandes étapes du processus de scénarisation : premièrement, le « pitch », qui représente le « code génétique de l’histoire, chargé de donner une idée assez complète de ce qui va se passer ». Deuxièmement, le « synopsis, résumé écrit de l’histoire », qui présente les « enchainements et le rythme qui maintiendront l’attention », tout en livrant une « estimation du nombre de pages associées à chaque séquence ». Troisièmement, le « découpage , qui détaille chaque séquence du synopsis » avec le souci absolu que tout concourt à maintenir l’intérêt de façon à prévenir les abandons. Ensuite, le « storyboard, sorte de brouillon définitif qui place les points d’intérêt et permet d’épurer » au bénéfice du rythme. Restent les étapes de réalisation où, dans le cas d’une bande dessinée, le scénariste laisse la place au dessinateur pour le travail d’exécution graphique : d’abord, le « dessin », enfin, la « couleur ».
« La linéarité narrative dans le domaine de la formation est facteur d’ennui », estime pour sa part Stéphane Dangel, directeur du cabinet de conseil/formation Storytelling : « si tout est construit, il ne reste plus rien au stagiaire, il faut ouvrir le débat et proposer des espaces d’échanges », dont le rôle sera de placer l’apprenant en situation d’action. Et de conclure : « on ne raconte pas des histoires pour divertir la galerie mais pour mouvoir des gens et amener la transformation de leurs savoir en actions ».
www.fffod.fr
[1] Forum français pour la formation ouverte et à distance
[2] Mardi 29 mai, Paris, www.fffod.fr
[3] Technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement.
[4] Voir le site http://anatomie3d.univ-lyon1.fr/